mardi 29 janvier 2008

Epilogue

J’ai 60 ans maintenant. Je me suis marié sur le tard. J’ai eu deux beaux enfants. J’ai monté une affaire dans une petite ville de province. Pas l’empire de mon père mais quelque chose qui marche bien. Je l’ai appelé les entreprises Shadow de l’identité que Darkness m’a donné avec tous les papiers qui vont avec.

Je ne sais pourquoi, je n’avais rien à craindre et je le savais mais il n’était pas encore temps que je révèle la vérité et c’était une occasion de démarrer une toute nouvelle existence.

Je gagne ma vie. De quoi en profiter de ce qui s’offre à moi mais pas à outrance. Il paraît que j’ai de la chance.

Ma femme dit que je devrais jouer au loto. Elle, elle joue. Elle prend plaisir à ce petit moment d’angoisse au niveau des résultats où elle supplie la chance de lui donner les bons numéros. Je ne connais pas ça. Je suis sans doute trop pragmatique. Je lui dis que c’est trop tard pour la chance, qu’elle devrait aller sur place et encore, les billes tombent trop vite et il y en a trop. Je lui dis aussi que supplier ne sert à rien, qu’elle doit s’imposer. Elle ne comprend pas. Peut-être n’a-t-elle pas ça dans le sang. Parfois je me dis qu’elle n’est vraiment pas futée puis je me dis que je commence à ressembler à Knowledge et ça me fait peur. Je l’ai revue. Elle a vieilli elle aussi parce que comme elle dit, elle n’est pas douée. Elle est toujours seule, dans le même appartement trop grand. Elle s’est offerte une villa à la campagne aussi et elle est triste car elle se sent nulle. Comme toujours. C’est à elle que j’ai dis la vérité. Elle a juste dit « ho ». Ca expliquait pourquoi du jour au lendemain ses employeurs avaient paru disparaître dans la nature. Après, qu’aurait-elle pu dire ? Je venais de lui apprendre qu’ils se faisaient tous manipuler depuis des années par celui qu’ils méprisaient parce qu’il n’avait aucun pouvoir. C’était faux. Il en avait peu mais il savait convaincre et personne ne se méfiait de lui. Il faut le temps de le diriger. Elle a fait sa vie. Elle a monté une petite entreprise qui s’est pété la gueule car la chance ne suffit pas. Il faut aussi une part de travail et une bonne dose d’intelligence alors elle bosse dans une petite entreprise de décoration et le week-end elle joue à la roulette au casino. Pour mettre du beurre dans les épinards comme elle dit.

J’ai parfois revu Lolita. Dans l’ombre d’un arbre ou le reflet d’un étang. Elle sait que je l’aime et je sais qu’elle m’aime aussi mais comme un petit garçon sur lequel elle veillera toujours. Elle est restée jeune, peut-être juste une ride au coin des lèvres. Elle a toujours été forte pour maîtriser le temps.

J’ai appris à mon fils à faire des réussites en lui expliquant que l’important, c’était de mélanger et de se fier à son intuition. Il n’a pas compris. Ce n’était pas important. Moi, ce qui me plait, c’est de le voir s’épanouir et mordre la vie à pleine dent. Mon plus grand sentiment de fierté, c’est quand il m’a battu au basquet pour la première fois. J’ai senti qu’il devenait un homme.

Un jour je l’ai croisé dans la rue au bras d’une belle jeune fille. Il me l’a présenté. Il était rouge et gêné. C’était la première fois. Le temps passait. J’ai serré la main de la jeune fille et quand elle a voulu la retirer, je lui ai coincé le bras et arraché un ongle avant de lui souffler à l’oreille : « fais gaffe quand t’as tes règles Constance. » Puis je lui ai montré l’ours en peluche de mon frère et je me suis mis à chantonner.

Elle est resté interloquée puis s’est mise à rire et m’a fait un clin d’œil. Elle a sorti un couteau et s’est entaillé le poignet avant de me tendre son mouchoir imbibé de sang. « J’ai confiance en toi Witches, mon lapin blanc. »

Mon fils a gueulé que nous étions fou. Alors nous sommes partis. Je l’ai empoigné par le col de sa chemise et Nous avons roulé toute la nuit. A l’aube, j’ai arrêté la voiture au bord d’une vieille ferme en ruine depuis longtemps abandonnée et nous avons marché jusqu’à un gros arbre au milieu d’un champ de maïs. J’ai déterré une boite en fer blanc. Je l’ai ouverte puis j’ai mis un tube a essai avec un bout d’ongle un de mes cheveux et une goutte de sang. Puis j’ai remplacé la boite et dis à mon fils de ne pas y toucher car ça portait malheur. Ensuite on s’est assis dans les maïs et on a parlé.

Il fera ce qu’il veut. Moi, je l’ai élevé mais sa vie lui appartient et il a le droit de savoir et je respecterai son choix. Il ne m’a pas cru. Il lui faut du temps, ça viendra.

J’ai 60 ans. Je n’ai aucun regret. Ma vie est heureuse, ma femme charmante et cultivée, je fais du sport, je m’entretiens et je ne me suis jamais senti aussi bien ans ma peau. Même si je ne porte plus mon nom, je sais qui je suis. Je suis Witches et j’en suis fier. Je suis bien maintenant. Je vais peut-être garder mes 60 ans quelques années.

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