mercredi 28 novembre 2007

Chapitre 7

Je pensais que sa copine était dans le coin, mais pas du tout.

On avait vraiment fait un sacré détour juste pour voir cette boite en fer blanc. Pour se cacher aussi. Au moins, nous étions de retour dans un endroit civilisé. On avait même roulé jusqu’à la capitale.

J’avais dit à Lolita qu’il ne fallait pas revenir en ville. Elle m’avait certifiée qu’il n’y avait aucun risque et j’avais voulu la croire juste parce que si je voyais encore un brin d’herbe, j’allais péter un câble. La prison ne peut pas être pire que la campagne.

Et après m’être senti citadin parmi les bouseux, je me sentais le provincial à la ville. Il faut dire qu’on avait encore nos fringues données par la vieille. Enfin Lolita. Moi, j’avais préféré remettre mon jean même sale. Au moins je sentais l’asphalte et le gaz carbonique. C’était mieux que la bouse de vache. Lolita m’avait emmené faire les boutiques. Elle semblait reprendre un peu d’espoir. Du moins je la surprenais à sourire de temps en temps. Elle est sortie de la cabine d’essayage avec un jean et un tee shirt. Je préférai la petite robe mais quoiqu’elle porte, elle est ravissante de toute façon. Ensuite, j’ai fait pareil : j’ai acheté quelques fringues mais c’est Lolita qui a payé. Je ne voulais pas mais elle disait que je ne devais pas utiliser ma carte bancaire, qu’on risquait d’être repéré. Elle, elle s’était récupérée un max de liquide quand elle avait quitté la maison. Elle disait que c’était plus discret. Ca commençait à devenir dingue cette histoire. Nous avons traîné toute la journée comme des touristes. J’ai vu ma photo sur la télévision dans un café et je suis devenu blanc. J’ai commencé à suer et à regarder partout autour de moi persuadé qu’on allait me sauter dessus. Lolita a haussé les épaules et s’est contenté de remarquer que le costume ne m’avantageait pas. C’était vrai. La photo n’était pas flatteuse. Lolita a souri et a murmuré : « Monsieur Witches n’est pas idiot, il a bien choisi la photo à transmettre à la police, personne ne pourrait faire le rapprochement entre cette photo et toi. Ca était pris quand ?

- A l’inauguration d’un hôtel de mon père, je crois.

- T’étais malade ce jour là ? »

Je détestai qu’elle me charrie ainsi. C’est vrai, je n’étais pas photogénique mais tout de même. J’enregistrai enfin le message principal : « Tu crois sincèrement que mon père ne veut pas me retrouver ?

- Sans doute que si, mais je ne pense pas qu’il veuille que la police te trouve et encore moins qu’elle mette la main sur moi ».

Je réfléchis en ce sens, c’est vrai qu’il ne facilitait pas les recherches. Cette photo n’était pas ressemblante, cette histoire de prise d’otage pas crédible. Et dire que je l’avais maudi ces derniers jours. Je m’étais disputé avec lui au téléphone sans même lui laisser la possibilité de s’expliquer. Je m’en voulais.

Je me levai : « Je vais aux chiottes, je reviens.

- Le téléphone de ton père est sûrement sur écoute. Evite.

- J’ai dit que j’allais pisser.

- Je te connais ».

Je me rassis. J’étais aussi frustré qu’un gosse qui vient de ce faire prendre en flagrant délit. Elle avait raison, je comptais l’appeler. Elle avait d’ailleurs doublement raison : d’abord car je comptais l’appeler et ensuite parce que c’était une connerie. Hé oui, je n’étais pas un spécialiste de la cavale. Par contre, elle, elle semblait en savoir long.

Elle posa quelques pièces sur la table et on quitta les lieux. Je restais silencieux. J’étais vexé d’être traité comme un gosse par la femme de ma vie.

« T’arrête de faire la gueule ! » qu’elle me dit au bout d’un moment.

« Je ne fais pas la gueule ». Et de toute façon, ce n’était pas à elle me dicter mon humeur.

On dîna d’un kebab dans un parc. Je commençais à en avoir par-dessus la tête de la suivre comme un chien. J’avais tout risqué pour la suivre, elle ne m’aurait même pas fait suffisamment confiance pour m’expliquer la situation.

Je croyais qu’on devait voir ta copine. « On attend quoi ? La fin des temps ?

- Non, mais je ne connais pas son adresse. Quand je l’ai eu son message sur mon répondeur, elle m’a dit qu’elle faisait une petite mission dans un bar mais en horaire de nuit. J’attends juste qu’elle soit arrivée pour aller la voir là-bas. Ca s’appelle le Vamp. J’ai trouvé l’adresse sur le net. » Elle me sort un plan. « Regarde, c’est là mais d’après les horaires, il n’ouvre qu’à 23h. Je suis inquiète. Elle avait l’air vraiment affolée quand elle m’a appelé et ça fait plus d’un mois de ça. Depuis, aucune nouvelle. J’ai essayé de la joindre mais son numéro de portable n’est plus valide. »

Que d’informations d’un coup alors qu’elle n’avait même pas voulu que je l’accompagne dans le cyber café. Et en plus, je me retrouvais en terrain connu. Les histoires de filles sont toujours les mêmes. Sans doute un problème avec un mec ou un truc du genre. Les filles ont toujours tendance à dramatiser. Je retrouvais ma Lolita fragile. J’en oubliais ma rancune. Je pouvais jouer au protecteur. Je la pris dans mes bras. « Je suis sûr que ça va aller. Que t’a-t-elle dit au téléphone ?

- En fait, c’est un peu compliqué. On avait la même bande de copains, il y a longtemps. Moi, je suis partie mais elle est sortie avec un mec du groupe et ça s’est pas trop bien passé. Ils faisaient un peu trop bande à part alors ça a crée des dissensions et ils se sont retrouvés un peu exclu et puis son copain est mort et maintenant, elle se retrouve toute seule et il y a une connasse qui lui a joué un sale tour par-dessus le marché ».

Une histoire de mec en effet. C’est sur, c’est moyen drôle mais au moins je préférais ça qu’un truc illégal. Le bar en question était une sorte de sous-sol enfumé réunissant sans doute la pire racaille de la ville. Du moins, j’imaginais vu que pour l’instant, il était vide. Et la serveuse, pire que tout. Un caleçon orange déchiré, un haut en coton noir et jaune moulant lui donnant une dégaine de guêpe et des cheveux en pétard orange et turquoise pour parachever le spectacle. Mais en voyant Lolita, son visage s’est éclairé.

« Lolita ! Regardez-moi, ça, tu es superbe. Je t’ai vu à la TV. Lui aussi je crois quoique, il est beaucoup plus mignon en vrai. Tu es l’ennemie publique numéro un.

- Ca a l’air de te réjouir.

- Pas vraiment non, quoique au fond, comme ça on es deux dans la merde. Elle me détaille de haut en bas, je suis contente de te rencontrer Tony Witches même si je n’avais pas espéré notre rencontre de cette façon. Elle n’attendit aucune réponse, se détourna, me servit une bière en précisant que c’était un cadeau de la maison et lança un long soupir en soutenant sa tête dans les mains sur le bar.

- C’est pas moi qui ait craché l’endroit où tu te planquais » dit-elle après un silence.

« Je sais. »

Lolita lui fit un sourire, elle fit de même, puis elles se mirent à papoter.

L’aspect copine était encore une facette de la personnalité de Lolita que je ne connaissais pas. La serveuse soupira de nouveau mais si fort que je détachai mes yeux de Lolita « Regarde-moi ! Tu veux ma place ? Une ratée, mise au rebut.

Knowledge. Tu es splendide. Toujours aussi mince de partout sauf des nibards. Pétasse, va.

- C’est Sylvie ici. Tu sais ce qui m’est arrivé ?

- Oui Monsieur Witches m’a transmis le message que tu as laissé sur son répondeur.

- J’aurais pas dû appeler, je sais. J’étais trop déprimée. Mais ce n’est pas moi qui ai dit où tu te planquais, je te jure.

- Je t’ai dis que je savais, de toute façon, je suppose que vous étiez tous au courant ?

- Je ne sais pas. Sans doute.

- Ca te va bien ses cheveux » sourire ironique

« Je t’emmerde. »

Une main sur l’épaule, geste de réconfort.

« Tu peux m’aider ?

- Non, je suis surveillée je crois, rien qu’à te parler, c’est dangereux. Ils sont déjà venus ici. Ils ont mis Darkness sur l’affaire.

- Je sais oui. Je ne cherche pas un coin ou crécher, je voudrais le catalyseur de Soulsand.

- Il est mort tu sais.

- Je sais oui.

- Ils l’ont tué.

- Je sais. C’est toi qui l’as ?

- Quoi ?

- Le catalyseur

- Houai mais qu’est ce que tu veux en faire ?

- Un truc. En échange, je te sors de la merde avec ta pouffiasse.

- Miss Teigne ! Te lance pas là-dedans, tu vas t’attirer des ennuis.

- Au point où j’en suis. Dis-moi où elle est »

Un haussement d’épaule « je ne sais pas. Elle a épousé un homme de l’aristocratie. Enfin un mec qui avait acheté un titre de noblesse. On achète n’importe quoi de nos jours. Il a trouvé un vieux noble sans descendance et lui a racheté son nom et ses titres. Bref. A sa mort, son fils a récupéré le pactole. Ensuite, miss Teigne l’a épousé, l’a tué et maintenant c’est elle qui se pavane en caricature de l’ancien régime dans un château. Elle se fait appeler la Comtesse.

- Je vois le tableau, Madame fait dans la pierre ancienne. Tout à fait son style. C’est où cette petite merveille ?

- Aucune idée je te dis.

- T’as pas son nom ? Une idée de l’endroit, même approximative.

- Moins j’en sais mieux je reste en vie.

- Je trouverai. Tu as entendu parler d’un nouveau qui aurait pris part au pacte ?

- Une nouvelle.

- Qui ?

- Une fille. C’est tout. Ca fait un bout de temps déjà mais je ne l’ai jamais vue.

- Tu ne sais rien d’elle ?

- Non. Tu me dis un nouveau. Je te dis non, nouveau, ce n’est pas ça. Nouvelle, d’accord. Après, je suis qu’une merde j’te dis. Tu crois qu’on vient boire le thé avec moi pour parler potin. Que dalle. On m’évite comme si ma merde était contagieuse. Comme si Soulsand était mort par ma faute. Mais ce n’est pas vrai » Elle relève la tête. Essuie quelques larmes et sort de sa poche un petit ours en peluche qu’elle pose sur le bar. « Je l’aimais tu sais.

« Je sais » dit-elle en prenant le petit ours avant de se diriger vers la porte.

« Hé Lolita ».

Elle se retourne une dernière fois.

« Fais pas le con, je n’en vaux pas la peine »

Lolita regarde le petit ours, le fait sauter dans sa main. « T’inquiète ».

« Tony » dit-elle encore.

Je me retourne. Rien qu’à son ton de voix elle me fait flipper.

« prends soin de toi » ajoute-t-elle.

A croire qu’on se connaît de longue date. Je fais oui de la tête, je ne vois pas quoi dire d’autre et jette un œil à la ronde pour m’assurer qu’il n’y a personne dans le coin.

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