mercredi 28 novembre 2007

Chapitre 8

Si je comprends bien, l’entretien est fini. Ca valait le détour. Je suis Lolita pas fâché de sortir de cet endroit. D’abord ça pue la clope froide et ensuite les histoires de nanas, je sais pas gérer. Je désigne l’ours en peluche « Bon alors qu’est ce que c’est que ce truc. »

Lolita me fixe comme si j’étais demeuré. Elle sourit enfin portant son trophée en triomphe.

« Un ours en peluche » dit-elle en souriant enfin.

« On a fait des heures de voiture sur des routes de merde pour un ours en peluche. Tu crois que je vais gober ça ? »

Elle me l’envoie en pleine figure. « C’est pour toi » dit-elle.

Aïe. Je récupère la petite bête, tâtant la mousse à la recherche de quoi que ce soit. En fait, ce n’est même pas de la mousse. Juste de l’herbe séché. Ca sent la lavande. Rien. Une simple peluche, miteuse, trouée par endroit. « Qu’est ce que tu veux que je fasse de ce machin ?

- Pour l’instant, garde-le. Garde-le précieusement, comme si un jour il pouvait te sauver la vie.

- La fille a parlé de catalyseur.

- Il s’appelle Teddy bear » dit Lolita en montant dans la voiture, prends-en soin.

- Et maintenant, où va-t-on ?

Ben, on va aider ma copine, c’est pour ça que je suis venue.

- Tu sais ce qui pourrait vraiment l’aider. »

Elle se tourne vers moi : « Quoi ?

- Un bon bain, une coupe de cheveux et une nouvelle garde robe ».

Elle se mit à rire de bon cœur.

J’insistai, trop heureux de la voir ainsi. « C’est vrai. J’imagine mal qu’un mec ait pu tomber amoureux d’une fille comme ça.

- C’est une fille bien. Et son mec était génial. Il te ressemblait. » Elle marqua une pause avant de reprendre. « Oui, il te ressemblait beaucoup.

On reprit la voiture et Lolita conduisait en silence. Je cherchais désespérément une autre feinte pour lui arracher un nouvel éclat de rire. En vain. Je ressemblais à un mec qu’elle trouvait génial. Je me concentrai pour ôter le sourire qui m’était venu à cette pensée. Je regardai ma montre. Une heure du mat. J’imaginai mal ce qu’on pourrait encore faire cette nuit.

« Tu as un plan pour cette nuit ? »

Je ne savais pas si elle n’avait pas entendu la question où si elle refusait simplement d’y répondre. Elle bifurqua sur un parking et se gara

« Oui, je vais dans la gueule du loup pour voir un pauvre cinglé. Nous sommes arrivés.

- Résidence Universitaire. Passionnant. Tu veux suivre des cours de rattrapage.

- Je veux une adresse. Attends-moi dans la voiture.

- Non ». J’étais déjà dehors. Elle n’insista pas et je la suivis dans un bâtiment délabré qui ferait mieux d’être rasé.

Tout était vide et silencieux et cet endroit n’était pas du tout rassurant. Ce n’est peut-être pas tout à fait l’heure des visites. Mon commentaire pourtant tout à fait opportun fut proprement ignoré.

Elle se dirigea rapidement le long de plusieurs couloirs alternant chantonnement et marmonnement ce qui m’empêchait de discerner si elle était contente ou de mauvaise humeur. Porte 132. « C’est là » marmonna-t-elle.

Elle ouvrit sans frapper. Un homme d’une trentaine d’année, sans doute plus sursauta. Un peu vieux pour un étudiant « Qui êtes-vous ? »

Elle m’écarta pour passer devant : « Ta baby sitter mon beau.

- Ma b… Lolita ! C’est bien toi ! ».

Il s’avança de quelques pas comme pour s’assurer qu’il n’avait pas la berlue avant de reculer tandis qu’elle entrait dans une chambre minuscule, puant l’humidité et recouverte de posters de super héros parmi lesquels je reconnus Spiderman, Superman et quelques autres héros de Comix dont je m’étais désintéressé dès que j’avais passé la dizaine d’année. « Non, Lolita, tu n’entres pas. Je ne veux pas savoir ce que tu veux. Je n’ai rien vu, rien entendu mais tu dégages.

- C’est comme ça qu’on accueille une vieille amie Timothée ?

- Tim, pas Timothée. Ecoute. Ce n’est pas que je ne t’aime pas. Disons juste que je préfère la compagnie d’un serpent à sonnette. Moins risqué. Tout le monde te recherche. Paraît que tu fais dans l’enlèvement et… »

Il s’arrêta me reconnaissant enfin.

« Putain, dans quoi t’es tu fourrée ? Je vais parler à mon oncle, il t’arrangera ça.

- Là c’est moi qui préfère le serpent. » Elle se faufila entre le lit et l’ordinateur sur le bureau et l’alluma avant de reprendre. « Lui, c’est mon otage et s’il reste ici, c’est qu’il a bien compris qu’il ne fallait pas jouer au plus fin avec moi. Alors il va s’asseoir sur le lit et comme tu n’es pas con, tu vas faire pareil ». J’obtempérai et m’assis sur le lit. Surtout pour ne pas contredire son autorité. Je regardais du coin de l’œil celui qui se posait à mes cotés. Des lunettes posées à la hâte sous ses cheveux blonds ébouriffés, un tee-shirt et un caleçon avec des chauves souris batman. Il devait sans doute être en train de lire ou bûcher. Peut-être était-il sur le point de se coucher. Je me sentis soudain proche de lui. Comme si j’étais réellement l’otage de Lolita, prise au piège tout comme ce garçon. Non, de lui je n’étais pas jaloux. Elle n’avait pas le moindre signe d’attirance envers lui. Nous étions deux pauvres gars pris dans ses filets.

Lolita avait repris ses chansonnettes tout en tapant une série de chiffres en code d’accès. Au troisième accès refusé elle donna un coup à l’ordinateur comme si ça pouvait le motiver à obéir.

« Le code ?

- Lolita, je ne peux pas.

- Le code » répéta-t-elle.

« Ecoute Lolita…

- Dis-moi, tu as déjà eu une journée de merde ? Je ne parle pas de ce genre de journée où on se contente de rater un examen puis de marcher sur une crotte de chien. Non, le genre où tout s’accumule. Merde sur merde. Au point ou tu te demandes ce qu’il restera de ta vie à la fin du jour. Au point que tu n’espères plus qu’une chose, c’est rester vivant, blotti dans un coin sans oser bouger jusqu’à ce que le plafond te tombe sur la tête.

- Ca va, j’ai compris. 5-6-3-4-8-7-5-8-5-4-K-G-5.

- Où est ce que tu as péché ça ? » Dit-elle en recopiant le dernier chiffre.

- Combinaison prise au hasard par l’ordinateur modifiée tous les jours.

- C’est pour jouer tranquille avec ce genre de programme qu’il a fait tuer Soulsand ? Lui seul aurait été capable de le trouver »

Il ébaucha le geste de se lever « Ecoute Lolita, c’est pas ce que tu crois.

- Assis. Ca y est, j’y suis ».

Je tentai de voir l’écran à travers l’épaule de Lolita, sans succès. Je n’osai même pas me lever. Une feuille sortit de l’imprimante et elle s’en empara, la pliant et l’enfonça dans la poche de sa veste en se levant.

« Allez Bébé, sans rancune. On s’appelle on se fait une bouffe. Et quand tu auras ton oncle au téléphone, ça me paraît plus opportun de maintenir la discussion sur tes petites branlettes solitaires plutôt que d’évoquer ma visite. »

Il se leva. L’ordinateur était redevenu noir.

« Va chier Lolita ».

Il était amoureux d’elle. Ca crevait les yeux. Je compatissais. Je savais ce qu’il endurait et je trouvai qu’elle avait été vraiment dure avec lui.

On retourna dans la voiture.

« Je suppose que tu ne me diras pas ce qu’on est venu faire ici.

- Bien sur que si. J’avais besoin d’une adresse. Celle de la comtesse. On va au château mon cher.

- Attends », j’essayais de remettre mes idées en ordre. « Le mec chez qui on était, c’était le neveu de ceux qui te recherchent, c’est ça ?

- Oui. En tout cas, c’est ce qu’il dit. Il bosse pour eux comme intermédiaire. Job d’étudiant. Un job très con si tu veux mon avis.

- D’accord et tu n’as pas peur qu’il te dénonce ?

- Il ne parlera pas.

- Qu’est ce que t’en sais ?

- Une intuition.

- D’accord, tu joues ta vie sur une intuition.

- Faut prendre des risques dans la vie.

- Juste pour une adresse. Tu ne crois pas qu’en se renseignant un peu, nous l’aurions trouvé ta comtesse ?

- Non, nous ne l’aurions pas trouvé.

- Et je peux savoir ce qu’il te permet d’être si catégorique ?

- Nous ne sommes pas très copines. Je crains qu’elle n’ait pas envie de me voir. »

Ce changement de conversation voulait sans doute dire qu’elle ne me répondrait pas. Pourquoi n’étais-je pas simplement resté chez moi. Ca devenait de la folie. Je m’enfonçais petit à petit dans un monde de dingue à jouer à un jeu de piste foireux.

« Donc, si je comprends bien, maintenant, on va chez une comtesse folle qui a une dent contre toi et contre ta copine punk et qui travaille pour les mecs qui te recherchent. C’est bien cela ?

- Oui, c’est ça.

- C’est une sorte de suicide ? Un truc dans le genre ?

Elle ne répondit pas.

« Bon sang tu veux quoi à la fin ?

- Des cheveux.

- Pardon ?

- Soulsand avait le reste. Il me l’a confié avant de mourir. Ca fait un bon de temps mais il se méfiait déjà d’elle.

- Tu peux répéter mais en plus clair ? »

Elle me fit son plus beau sourire : tu es sure que tu ne veux pas retourner chez ton père. Tu dirais aux flics que tu t’es échappé ou un truc du genre. Mieux, tu dirais que tu as fait une fugue et que tu ne m’as jamais vu.

- Et je te reverrais ? »

Elle ne répondit pas.

« Je reste ».

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